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Histoires

Pierre Cardin : le pop est un luxe

By juin 7, 2021No Comments

« Pierre Cardin, l’esthète du futur » (Marie-Claire), « Pierre Cardin, le dernier empereur  » (Elle), « Pierre Cardin et le tailleur fonda un empire » (La Dépêche)… Le 29 décembre 2020 la  nouvelle du décès de Pierre Cardin se répand. Les médias saluent alors, non seulement le couturier,  mais également la carrière d’un homme d’affaires aux multiples facettes créatrices.

Pierre Cardin (1922-2020) reçoit à la fin des années 1930, une  formation de tailleur qu’il délaisse rapidement pour se tourner vers la haute couture. C’est grâce à ses silhouettes futuristes et à sa volonté de développer le prêt-à-porter qu’il connaît la célébrité au cours des années 1960. Abolissant les angles, il élabore des vêtements au travers desquels se dessine la quête d’un avenir organique. La mode, loin d’être un carcan pour le démiurge d’un monde cellulaire, est un point de départ. Au cours de sa vie, il étend le spectre de ses créations, il diffuse et crée du mobilier parfois en série, souvent sur mesure. 

Pour comprendre cet attachement au mobilier et à l’architecture, il faut remonter au début  des années 1930. Le jeune Cardin, alors âgé de 8 ans, dessine ses premiers meubles. Ce  n’est qu’au début des années 1970 qu’il concrétise ce rêve, qu’il exprime au travers d’un manifeste :

« Quand on aime créer des formes, il est normal qu’un jour ou l’autre on s’intéresse au  meuble. Pourquoi admettre, une fois pour toutes, que c’est le domaine des italiens ? En  France, les créateurs ne manquent pas. Encore faut-il leur en donner la possibilité, tout en  leur assurant les moyens d’en vivre. Il n’est pas normal qu’à notre époque des artistes de  talent crèvent la faim dans l’indifférence générale et que les artisans soient condamnés à  reproduire indéfiniment les mêmes modèles de chaises, de lampes, des modèles des siècles  passés. »

Une fois ce constat fracassant dressé, Cardin se lance dans la création et la diffusion de mobilier. Il  n’est bien sûr ici pas question de meubles de style, ni même de meubles modernes, Cardin  est tourné vers le futur. Seulement, en 1973, après la première crise pétrolière, le rêve d’une  modernité pour tous s’étiole peu à peu ; même si certains éditeurs et créateurs restent toutefois attachés à cette  utopie.

Le 2 octobre 1979, Pierre Cardin et l’éditeur Hugues Steiner présentent le fruit de leur collaboration au travers de  l’exposition « Conception 2000 ».  Les noms des nouvelles gammes  présentées sont une affirmation de  la volonté de replacer la France sur  l’échiquier mondial de la création  de mobilier : Obélisque, Maxim,  Trocadéro, Forum, Vendôme.  Malheureusement, ces nouvelles  collections d’assises, bien loin des  totems du style Memphis, ne sont  pas nécessairement en phase avec les créations naissantes des années  1980.

En parallèle avec cette activité destinée à une  large diffusion, Pierre Cardin se consacre, dès  1977, à une production plus élitiste au travers de sa galerie Évolution, rue du Faubourg-Saint-Honoré.  Cet espace expose les créations de  Maria Pergay, Yonel Lebovici, Serge Manzon mais  également ses propres réalisations, « Ce sont,  déclare-t-il, des meubles faits de cellules  organiques qui, agglomérées les unes aux autres,  forment une nouvelle ligne ». Ces réalisations puisent par leurs techniques de  fabrication dans un artisanat passé, parfois oublié, et se projettent par leur forme vers un imaginaire futuriste. L’armoire Manta en est un témoignage, la forme  est alors novatrice, les couleurs modernes mais la technique employée est celle, extrêmement exigeante, de la laque. Qu’elle rappelle les panneaux de  laque du XVIIIe siècle ou les créations du début du XXe siècle, de Jean Dunand ou Eileen Gray,  cette technique est bien loin de la connotation bas de gamme parfois attachée au mobilier des  années 1960-1970. Le pop se veut ici précieux et luxueux.

Si Cardin est un fervent défenseur du prêt-à-porter, et de la création accessible à tous, il reste  personnellement attaché à de luxueuses créations sur mesure. Que ce soit en tant que tailleur au  début de sa carrière, puis par ses créations mobilières, ou pour de façon plus spectaculaire pour ses résidences personnelles. La plus connue d’entre elles est, sans aucun doute, le Palais Bulle. Ce monument de la démesure est à l’origine la deuxième commande du mécène Pierre Bernard à l’habitologue Antti Lovag. Le chantier de la Maison bulles débute en 1984 mais son commanditaire décède avant la fin des  travaux. La propriété fait alors l’objet d’une vente aux enchères. C’est dans ces conditions que Pierre  Cardin acquiert le palais de Théoule-sur-Mer en 1992. Il conçoit ce lieu comme un des  aboutissements de sa vision utopique, et témoigne ainsi :

Si Cardin est un fervent défenseur du prêt-à-porter, et de la création accessible à tous, il reste  personnellement attaché à de luxueuses créations sur mesure. Que ce soit en tant que tailleur au  début de sa carrière, puis par ses créations mobilières, ou pour de façon plus spectaculaire pour ses résidences personnelles. La plus connue d’entre elles est, sans aucun doute, le Palais Bulle. Ce monument de la démesure est à l’origine la deuxième commande du mécène Pierre Bernard à l’habitologue Antti Lovag. Le chantier de la Maison bulles débute en 1984 mais son commanditaire décède avant la fin des  travaux. La propriété fait alors l’objet d’une vente aux enchères. C’est dans ces conditions que Pierre  Cardin acquiert le palais de Théoule-sur-Mer en 1992. Il conçoit ce lieu comme un des  aboutissements de sa vision utopique, et témoigne ainsi :

« Ce palais accroché à la roche de l’Estérel est devenu mon coin de paradis, ses formes  cellulaires sont la concrétisation depuis longtemps de l’image de mes créations. C’est un  musée où j’expose les œuvres de créateurs contemporains. »

Il rejoint ainsi l’idée de Frank Lloyd Wright selon laquelle : « L’œuvre d’art la plus désirable des  temps modernes est une belle pièce d’habitation […] ».

Ce palais de 1200 m² est la troisième des six créations d’Antti Lovag et sans aucun doute la  plus ambitieuse. Que ce soit le temps d’un défilé Dior orchestré par Raf Simons ou dans un clip du  rappeur SCH, cet habitat expérimental interroge autant qu’il fascine. Antti Lovag transcende, par ses créations, les frontières entre le passé, le présent et l’avenir. Cet habitat quasi-troglodyte, aujourd’hui  lieu de pèlerinage pour les amateurs de mode et d’architecture, nourrit toujours aujourd’hui les réflexions sur un habitat du futur.

Article initialement écrit pour Architecture de Collection.